Dernière mise à jour : 29 janvier 2010
Seconde page d'initiation à la stratégie d'entreprise au travers d'une analogie, celle d'un sportif ambitieux. Celui-ci va nous montrer ce qu'est le management et la stratégie, un parcours en 18 trous et quelques obstacles...
1ère partie : l'analyse stratégique
2ème partie : Management et stratégie
3ème partie : Déclin et sortie
Nous retrouvons ici notre héros de la 1ère partie. Après une sérieuse analyse de ses forces et faiblesses, des opportunités et menaces, le candidat s'est lancé. Il s'est inscrit au club, a pris ses premières leçons, appris les règles… Il a fallu payer le ticket d'entrée, s'équiper, s'astreindre à l'entraînement.
Cette phase de démarrage est éprouvante, car l'énergie et les moyens à consacrer sont conséquents et les bénéfices minces. (voir la matrice critères/phases)
Après de longues heures sur le practice et le parcours compact (9 trous), il obtient enfin sa green card et continue sa progression, plus déterminé que jamais à devenir meilleur joueur du club.
Pour une entreprise, son propre démarrage d'activité ou le lancement sur un nouveau domaine d'activité stratégique (DAS) subit les mêmes contraintes ; consomme des ressources importantes, sans générer forcément des bénéfices.
"Elaborer la stratégie de l'entreprise, c'est choisir les domaines d'activité dans lesquels l'entreprise entend être présente et allouer des ressources de façon à ce qu'elle s'y maintienne et s'y développe." Stratégor, 1993
La stratégie de l'entreprise peut se scinder en deux niveaux distincts ;
Le niveau global qui englobe tout le portefeuille d'activités, et où la stratégie consiste à s'engager dans certains domaines et/ou se retirer d'autres, afin que le portefeuille soit équilibré.
La stratégie concurrentielle, propre à chacun des DAS, où elle détermine les manœuvres nécessaires pour un positionnement concurrentiel favorable.
Dans les deux cas, les arbitrages qui décident des allocations des ressources, de l'engagement ou le désinvestissement, font la stratégie.
Dans un souci de simplification, la stratégie de notre héros se limitera à un seul DAS, le jeu de golf.
Son but, sa "vision" est de devenir le champion des joueurs du club de golf de Webland. La stratégie du joueur de golf est de jouer de nombreuses parties le mieux possible, afin d'améliorer son classement. Chaque partie sera jouée avec l'objectif de mettre la balle dans chacun des 18 trous du parcours avec un minimum de coups. Une succession de bons scores améliorera le classement du joueur. Dans une partie donnée, à chaque nouveau trou, le joueur doit évaluer la situation ; Distance au trou, forme du parcours, obstacles, déclivité du terrain… Il doit alors choisir le club adapté, se positionner, estimer la force de frappe nécessaire et la meilleure trajectoire et finalement frapper. Une fois la balle immobilisée, il faut vérifier le résultat. Jusqu'à ce que la balle soit dans le trou, cette procédure se répète. L'objectif à ce moment là est clairement de mettre la balle dans le trou, puis d'aller au trou suivant. Les "actions locales" ont une influence sur le résultat global. Ainsi chaque coup doit-il être joué en fonction du trou actuel, l'objectif du moment, l'objectif "local". Mais le joueur doit également garder à l'esprit qu'il poursuit un objectif supérieur, qui est d'améliorer son classement, car ceci lui permettre de figurer parmi les 5 meilleurs puis de devenir champion. |
La stratégie du golfeur est riche d'enseignements :
D'abord nous voyons qu'une stratégie est décomposable en plusieurs stratégies. Il y a décomposition du global au local. Chaque "sous-stratégie" (nous adopterons les dénominations de politiques et sous-politiques) poursuit un objectif propre, mais les objectifs se "cascadent" du global vers le local et sont liés les uns aux autres. Il existe donc une succession de couples stratégies/objectifs qui s'emboîtent comme des poupées russes et qui, correctement menés, c'est à dire chaque objectif local atteint, contribuent à l'atteinte de l'objectif supérieur. (Hoshin)
Il existe une multitude de "chemins possibles" pour atteindre le but, qui seront plus ou moins judicieux, économiques, adaptés, opportuns, etc.
Le cheminement total déterminera le positionnement de l'entreprise par rapport à ses concurrents, et le choix de la politique globale comme les arbitrages "locaux" ne sont jamais simples. Utilisons une autre analogie, par exemple une randonnée de groupe en montagne dont le but est d'atteindre le sommet le premier. Faut-il arriver le premier, mais totalement épuisé ? Faut-il emprunter le plus court chemin mais qui est aussi le plus dangereux ? Faut-il prendre la route la plus économique, mais qui est la plus longue ?
Il n'est pas suffisant d'atteindre une position concurrentielle donnée, il faut s'y maintenir !
Le stratège doit obligatoirement se doter d'une vision duale, voir l'objectif local, sans jamais perdre de vue l'objectif supérieur. Chaque action locale aura une répercussion sur l'objectif supérieur.
Deuxième enseignement de la stratégie du golfeur :
Le rôle du dirigeant, du manager est multiple ;
Pathfinding, problem solving, implementing, Selon Harold Leavitt [SIC97]
Montrer la voie est par définition l'action stratégique. Elle ne se borne pas à définir un objectif, nous avons vu dans la première partie que l'analyse stratégique déroule une procédure qui peut se révéler complexe, il faut également allouer judicieusement les ressources. Ce niveau de décision se prête rarement à la délégation, car la prise de risque et l'engagement de la société est très important.
Régler les problèmes est l'ensemble des arbitrages et choix à faire pour régler les différents problèmes qui se présentent. C'est une occupation "locale", qui a pour but de trouver les solutions optimales, qui feront les sous-politiques optimales de la politique générale. Le dirigeant peut déléguer s'il a prit la précaution de bien définir sa politique générale et les objectifs supérieurs, de les faire connaître à ses collaborateurs. Les solutions s'imposent alors d'elles-mêmes dans la plupart des cas. (Voir Hoshin et MBO)
La mise en oeuvre ou animation est la gestion quotidienne de l'entreprise et la motivation des ressources humaines. Il ne suffit pas de tracer les grandes lignes d'une politique ambitieuse pour qu'automatiquement les employés s'approprient les objectifs et donnent le meilleur d'eux-mêmes. Le dirigeant est le lien entre le sommet et la base, la politique de l'entreprise et les personnels qui contribuent à sa réalisation.
Action |
Dirigeant d'Entreprise |
Joueur de golf |
Montrer la voie |
Définir politique et objectifs, allouer les différentes ressources, structurer l'entreprise en fonction du projet. Garder des réserves. |
Fixer l'objectif, assumer les coûts, estimer son niveau et les efforts à fournir. Doser l'effort. |
Régler les problèmes |
arbitrer les choix techniques et outils, régler les problèmes financiers, humains, juridiques… |
Choisir le bon fer (club), la force, la trajectoire.. Retrouver sa balle, sortir du bunker, putter correctement… |
Mettre en oeuvre |
Vérifier, analyser, corriger, déléguer, motiver… |
Vérifier, analyser, corriger, rejouer, se motiver… |
Dans cette triple attribution du rôle managérial, la vision duale transparaît à nouveau ;
Montrer la voie, c'est voir loin dans le temps, prendre de la hauteur et avoir une vision "macro".
La résolution des problèmes est entre les deux, lien entre court et long terme, l'influence de la vision globale sur le local et inversement.
Un piège classique pour les managers est de se laisser entraîner dans les détails et de perdre de vue l'environnement. C'est "avoir le nez dans le guidon" et manquer du recul nécessaire. La parade à ce phénomène est la délégation et une certaine auto-discipline.
Il est souvent plus facile et rapide de faire soi-même plutôt que d'expliquer et déléguer, pourtant il faut savoir se faire violence et conserver ce fameux recul.
Troisième enseignement de la stratégie du golfeur :
A chaque coup, le golfeur est confronté à une nouvelle situation. Doit-il jouer un drive, une approche, sortir du rough, d'un bunker, jouer en finesse son put… chaque situation à affronter est différente, mais la manière de l'affronter et bien sûr le résultat de ce choix aura une répercussion sur le résultat global. Dans des situations similaires successives, les choix peuvent être totalement différents en fonction des circonstances et de l'expérience accumulée. Après chaque coup, soigneusement planifié, le golfeur vérifie le résultat et en déduit la marche suivre pour le coup suivant. En cela il suit le cycle de PDCA; Plan Do Check Action. A plus grande échelle, il utilisera ce principe d'un trou à l'autre, et à chaque nouveau parcours. |
Le processus itératif que constitue le jeu sur un trou, sur un parcours et finalement une carrière sportive existe également dans le monde de l'entreprise ; suivi des indicateurs journaliers, hebdomadaires, mensuels, et bilans annuels, prise en compte des résultats, correction et décision des nouvelles actions.
PDCA en détailL'analogie entre jeu de golf et stratégie d'entreprise me semble pertinente par les similitudes que l'on peut observer :
Entreprise |
Golf |
|
Objectif supérieur |
Devenir champion sur son marché |
Devenir champion du club de Webland |
Indicateurs |
Parts de marché, profits |
Classement, handicap |
Localisation du DAS |
Marché investi ou visé |
Club de golf, parcours |
Horizons stratégiques à
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Stratégies |
Politique commerciale, marketing, production |
Style de jeu, coups.. |
Allocations, choix |
Ressources, machines, investissements |
Choix de la canne (club), entraînements, leçons |
Outils |
Moyens de production, machines… |
Clubs, dans une moindre mesure chaussures, gants… |
Savoirs faire, valeur ajoutée |
Expérience, maîtrise du métier, méthodes… |
Expérience, maîtrise du Swing, du put |
Il ne faut cependant pas comprendre que j'assimile la conduite d'entreprise à un jeu.
Cette analogie ne sert qu'un but pédagogique, car si le jeu de golf est essentiellement ludique, sert à la détente et à l'activité sportive, la conduite d'entreprise est un "jeu" dont les enjeux sont de toute autre nature !
L'incidence de mauvais choix peut se révéler dramatique, notamment pour les actionnaires, les détenteurs de capitaux, mais aussi (et peut-être surtout) pour les employés. Il n'y a pas toujours de deuxième chance sur un marché, alors que sur un green…
Quand cela tourne mal, quelle stratégie ? C'est l'objet de la troisième partie.