Les basiques du management
EMPOWERMENT
Implication et responsabilisation

Texte

Dernière mise à jour : Janvier 2010   Optimisé pour un affichage 1024x800


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J'ai croisé l'empowerment la première fois durant un travail de recherche (printemps 2000) sur la flexibilité des entreprises. Le concept est encore relativement neuf en France (en Europe ?) et les sources documentaires le plus souvent américaines. Entre trois type d'auteurs, il est difficile de se faire son opinion. L'essai sur le terrain n'est guère envisageable, car le changement serait irréversible !

Empowerment

"Surtout n'essayez pas de traduire ce terme, c'est beaucoup plus chic en américain..."

BELLIER-MICHEL Sandra [BELL97]


Sommaire

Extrait de :
    "A la recherche de l'artisan industriel,
    Changement d'organisation dans une entreprise japonaise"
    © Christian HOHMANN

    Voir aussi : Empowerment, de bonnes raisons de responsabiliser les opérationnels (powerpoint)


    Mots clés : Autonomie, flexibilité, réactivité, lean management, GRH, conduite du changement.
Sujet connexe : la flexibilité des entreprises

Une définition

La définition de l'empowerment étant quelque peu délicate, je reproduis prudemment l'explication de William BYHAM :

    "De nombreuses confusions existent à propos de l'empowerment, notamment parce que sa définition et la représentation que s'en font les entreprises ne sont pas claires. En France, par exemple, les entreprises, pour ne pas heurter leurs salariés, ont choisi de le traduire par "responsabilisation" ou "implication". Mais ces traductions ne rendent pas compte en totalité de ce que représente ce concept, qui intègre également les notions d'autonomie, d'autorité et de "pouvoir"."[BYHA96]

Comparaison des implications "classique" et par l'empowerment :

Situation "classique"
L'implication extérieure

Empowerment
L'implication intérieure

  • Les tâches sont définies par d'autres
  • Le comportement requis pour la réalisation des tâches est défini par d'autres.
  • Les objectifs de performance sont définis par le management.
  • L'importance des objectifs est définie par d'autres.

  • Les tâches sont définies par les individus.
  • Le comportement requis pour la réalisation des tâches est défini par les individus.
  • Le management et les individus se concertent pour définir les objectifs de chacun.
  • L'importance des objectifs est définie par les individus.

Source : BYHAM William, "L'empowerment, défense et illustration" [BYHA96]

Littérature

Empowerment

La littérature en Français fournit trois types d'auteurs à son sujet :

  1. Les prosélytes, pour lesquels l'empowerment est le nouveau mode de management. Les plus enthousiastes semblent déjà célébrer l'avènement de l'homme nouveau (au travail s'entend).
    Exemples : SCOTT Cynnthia et JAFFE Dennis [SCOTT98], BYHAM William.
  2. Les détracteurs, qui traitent le sujet avec une certaine condescendance, le qualifiant souvent de "nouvelle mode", soulignant ainsi son caractère futile et nécessairement temporaire.
    Exemple : BELLIER-MICHEL Sandra [BELL97]
  3. Les observateurs, qui dans une position prudente sont majoritaires. (Argyris, Chaize…)

L'intérêt à lire ces derniers réside dans la présentation des buts théoriques de l'empowerment confrontés à leurs limites en application réelle. Les extrémistes quant à eux, risquent de décrédibiliser leurs propres propos par des positions trop tranchées et partisanes.


Freins et limites

La majorité des auteurs semble limiter l'empowerment vers le bas, au niveau des employés de bureau, à l'instar de Jacques Chaize qui explique :

    "L'empowerment a pris de l'ampleur avec les outils (fax, téléphone, vidéoconférences, messageries électroniques, groupware, Internet) qui favorisent la délégation en transférant données et programmes; des outils qui développent l'autonomie en permettant à chacun d'aller au plus court, au plus vite, au plus loin, sans intermédiaire.
    Il est aussi rendu possible par le niveau croissant d'éducation, garantie a priori de délégation et d'autonomie, et par la volonté de nombreux collaborateurs d'être vraiment auteurs de leur action dans l'entreprise.
    " [CHAI95]

Cette restriction introduit un biais pratique pour expliquer les buts et intérêts de cette méthode de management. Chacun peu comprendre le besoin d'autonomie dans ces postes ainsi que les caractéristiques intrinsèques, les compétences supposées de leurs titulaires. Mais cette limitation n'apporte aucun élément concernant les personnels de base.

La réponse à cela se trouve peut-être dans la remarque de Chris Argyris :

    "Une question se pose : faut-il que tout le monde participe pour que l'on puisse vraiment parler d'empowerment dans une organisation ? En principe, la réponse est oui ; en pratique, elle est oui mais. Il serait irréaliste d'attendre de la direction qu'elle autorise des milliers d'employés à intervenir en parfaite autogestion. Il existe bien sûr des limites à l'implication personnelle. De plus, le degré de participation varie d'un employé à un autre selon les désirs et les projets respectifs." (In "L'empowerment, ou les habits neufs de l'empereur" [ARGY98])

Les problèmes liés à l'empowerment concernent essentiellement trois strates dans l'entreprise :

  1. Direction,
  2. Encadrement
  3. Employés.

La direction, qui souhaite un système flexible et réactif, mais rechigne parfois à laisser aux subordonnés la latitude nécessaire ;

    Chaize : "C'est aussi au moment où la nécessité de déléguer est devenue impérieuse pour affronter, voire anticiper une réalité de plus en plus concurrentielle et changeante, que nombre de dirigeants reprennent les rênes, soumettent leurs collaborateurs à des contrôles et reportings serrés, limitent leurs marges de manœuvre tout en les invitant fermement à prendre des initiatives. La contradiction entre nécessité de déléguer et peur de le faire est plus que jamais d'actualité."

L'encadrement, qui se voit sacrifié au profit d'une pyramide à niveaux réduits, et dont les rôles de "conseillers techniques" ou "d'animateurs" sont souvent ambigus, mal acceptés et mal vécus.

  • (on lira à ce propos l'article de Jacques Trentesaux paru dans "liaisons sociales magazine" n°12, mai 2000 sur Aluminium Dunkerque)
  • Voir aussi pages sur cellules flexibles

Les employés, qui passé une certaine euphorie de la nouvelle liberté, découvrent le poids des responsabilités et l'absence de liens automatiques entre responsabilités accrues et rémunération.

Notons que les articles cités montrent que les essais d'empowerment bénéficient d'un recul significatif, mais que leur succès n'est pas évident à priori.

    (Op cit et Pierre Avril "Comment mettre en place des équipes polyvalentes et autonomes" paru dans le magazine "Usine Nouvelle" n°2526, novembre 1995)

Empowerment, solution pour YYY ?

Cette interrogation se réfère à la problèmatique générale posée par le changement d'une production linéaire Taylorienne à une production en ilôts. Voir pages cellules flexibles

L'empowerment serait-il la (une) solution pour l'entreprise YYY ?
La réponse est "oui, mais". Elle se fonde sur cette même réponse d'Argyris et sur une réflexion de bon sens ;

  • Le "oui" découle de la nécessité de l'autonomie dans la flexibilité.

  • Le "mais" est la probable limitation que l'entreprise devra mettre à la mise en place de l'empowerment. Il est difficilement imaginable de passer d'un mode de management très directif (taylorien) à l'autonomie et la responsabilisation prônée par l'empowerment.

Il est en outre impensable d'accorder un pouvoir de décision à des catégories d'employés qui n'en auraient pas la compétence.

Ainsi pour les opératrices de production, le jugement de la qualité par exemple, peut induire des conséquences hors de leur champ d'appréciation ou de compréhension.

Il en va de même pour la planification du travail, pour laquelle le champ de vision du personnel productif est bien trop restreint.

Ce "mais" n'est pas une limitation, un refus absolu. Il peut signifier "pas tout de suite".

Il y a en effet trop de problèmes qui émergeraient simultanément pour qu'on s'y lance sans précautions, qu'il faut évaluer et solutionner :

  • La définition des règles, obligations et limites de l'autonomie,
  • Les potentiels et les compétences des différents personnels,
  • Les formations complémentaires nécessaires,
  • Les incidences sur la carrière, le revenu,
  • Le nouveau rôle de l'encadrement,

Pour une entreprise imprégnée de l'esprit Kaizen, de l'évolution graduelle, la "révolution" que serait le changement d'organisation, doublé d'empowerment, me parait ingérable.

Argyris conforte cette opinion par ses remarques ;

    "La motivation "intérieure" n'est pas indispensable pour la bonne exécution de la plupart des tâches routinières. (...) A vrai dire, l'empowerment est un but dont on peut se rapprocher sans jamais l'atteindre. D'ailleurs, le fait qu'il existe dans une organisation plusieurs niveaux d'implication n'a jamais empêché le travail de se faire."

L'empowerment, s'il constitue la solution ne doit pas nécessairement s'appliquer à tous, ni pour tout, ni tout de suite. Il faut aussi se souvenir que l'objectif de l'entreprise YYY est d'améliorer le service aux clients et non pas de poursuivre une mission sociale.

    "L'empowerment va parfois à l'encontre de la nature humaine. Montrez-vous réaliste dans ce que vous en attendez." (Argyris, ibid.)


Job enrichment ?

    "Nous avons cherché, en nous appuyant sur l'évolution récente des systèmes de production, à dégager quelques tendances de fond qui pourraient caractériser les usines d'un futur proche(…) Les changements les plus fondamentaux nous semblent concerner les hommes et leur relation à l'entreprise."

Antoine Bois et Emmanuel Neildez [BOIS98]

Les expériences passées (de l'entreprise YYY) me font préférer une voie médiane, plus "douce" que l'empowerment, qui est celle de l'enrichissement des tâches.

Fortement motivante, elle tire les individus vers de nouveaux niveaux de compétences qui aide à leur autonomie.

La distinction d'avec l'empowerment tient dans la moindre délégation de pouvoir.

Un des risques de la délégation est que, face à des problèmes nouveaux, l'incompétence d'un niveau hiérarchique fasse rejeter sur le(s) niveau(x) subordonné(s) la responsabilité et la recherche de solutions.

Dans l'entreprise YYY, il n'est pas souhaitable de sacrifier l'encadrement, mais de faire évoluer son rôle. L'enrichissement des tâches des subordonnés, par la délégation, doit dégager du temps aux responsables, afin qu'eux-mêmes puissent cultiver leurs nouvelles compétences.


URL : http://chohmann.free.fr
© Christian HOHMANN

 

Bibliographie

  • [ARGY98] ARGYRIS Chris, "L'empowerment, ou les habits neufs de l'empereur" in L'Expansion Management Review, n°90 Septembre 1998, pp25-30
  • [BADO98] BADOT Olivier, "Théorie de l'entreprise agile", L'harmattan, Paris, 1998, 295p
  • [BART91] BARTLETT Christopher et GHOSHAL Sumanta, "le management sans frontières", Editions d'organisation, Paris, 1991, 367p
  • [BELL97] BELLIER-MICHEL Sandra, "Modes et légendes au pays du management", Vuibert, Paris, 1997,79p
  • [BERA87] BERANGER Pierre, "Les nouvelles règles de la production : vers l'excellence industrielle", Dunod entreprise, Paris, 1987
  • [BOIS98] BOIS Antoine et Neildez Emmanuel " LES SCENARII POSSIBLES DES USINES DU FUTUR" in "Revue Française de Gestion Industrielle", Vol. 17, n° 1, pp49-66, Paris, 1998
  • [BPS88] Boyer, Poirée et Salin "Précis d'organisation et de gestion de la production", Editions d'organisation, Paris, 1988, 608p
  • [BRUN99] BRUNSTEIN Ingrid, "L'homme à l'échine pliée", ouvrage collectif sous la direction de, Sociologie Clinique, Paris, 1999, 205p
  • [BYH96] BYHAM William, "L'empowerment, défense et illustration" in L'Expansion Management Review, n°80, Mars 1996, pp 70-78
  • [CAHF87]"La flexibilité du travail", sous la direction de Dominique MEURS, Les Cahiers Français n°231, Paris, 1987, 72p
  • [CAHF96]"Les stratégies d'entreprises", sous la direction de Jean-Yves CAPUL, Les Cahiers Français n°275, Paris, mars-avril 1996, 116p
  • [CAHF98]"Management et organisation des entreprises", sous la direction de Jean-Yves CAPUL, Les Cahiers Français n°287, Paris, juillet-septembre 1998, 112p
  • [CHAI95] CHAIZE Jacques, " EMPOWERMENT : les obstacles et les leviers " in L'Expansion Management Review, Décembre 1995
  • [COR91] CORIAT Benjamin, "Penser à l'envers, Travail et organisation dans l'entreprise japonaise", Christian Bourgois Editeur, Paris, 1991, 186p
  • [DEJO98] DEJOURS Christophe, "Travail usure mentale", Bayard Editions, Paris, 1998, 263p
  • [EVEA97] EVEAERE Christophe "Management de la flexibilité", Economica, Paris, 1997, 203p
  • KNOBLOCH Lydia, "SONY Alsace : le passage de la ligne à la cellule flexible de production et ses conséquences sur la gestion du personnel", Bibliothèque de l'IAE Strasbourg, DESS RH, 1999

  • [LESA93] LE SAGET Meryem "Le manager intuitif, une nouvelle force", Dunod, Paris, 1993, 328p
  • [MARR94] MARRIS Philip, "Le management par les contraintes en gestion industrielle", Les éditions d'organisation, Paris, 1994,318p
  • [SCOTT98] SCOTT Cynnthia et JAFFE Dennis, "L'empowerment", les presses du management, Paris, 1998, 80p
  • [STAN88] STANKIEWICZ François, "Les stratégies d'entreprises face aux ressources humaines, l'après taylorisme", ouvrage collectif sous la direction de, Economica, Paris, 1988,261p
  • [UN86]"Recent trends in flexible manufacturing", Economic Commission for Europe (United Nations), New-York, 1986, 314p
  • [UTBM] "De l'usine flexible aux équipes autonomes", actes du Congrès 2000, Université de technologie de Belfort - Montbéliard (UTBM)
  • [WOM92] James P. WOMACK, Daniel T. JONES et Daniel ROOS, "Le système qui va changer le monde", Dunod, Paris, 1992
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