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De la ligne à la cellule flexibleReflexions autour d'une mutation |
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Dernière mise à jour : 15 mai 2010
| Dans certains secteurs d'activité, la production de masse sur des lignes de production est un concept obsolète car les nouvelles contraintes du marché obligent les producteurs à évoluer vers des structures plus adaptables et réactives, telles que les cellules flexibles. Les activités les plus concurrentielles (ou les plus en crise) ont opéré leurs mutations depuis longtemps; l'industrie automobile et ses sous-traitants, plasturgie, industrie textile, lessiviers, métallurgie... Pour d'autres secteurs les effets de la mondialisation, de la crise, ne sont perceptibles que depuis récemment. Ces secteurs sont désormais confrontés aux mêmes interrogations; faut-il changer l'organisation de la production ? SommaireThéorie et philosophie
L'attrait des cellules autonomesLa résistance au changementCe que le système flexible ne devrait pas être :Révolution culturelle :Implémentation et mise en pratique
![]() L'attrait des cellules autonomes, la fin d'un mythePendant quelques décennies, le système de production japonais, cité en exemple à travers le monde, a prôné la linéarité. L'image valant mille mots, le flux de production est comparé à l'écoulement d'un cours d'eau. Dans le contexte de la production de masse, offrant peu de variété et à moindres stocks,
cette organisation collait à merveille. Or cette flexibilité montre des limites, notamment à cause des volumes à produire en diminution et de la variété en augmentation. De plus, ![]() MAIS![]()
Je vous recommande de lire les pages relatives à la flexibilité des entreprises. D'autres raisons, plus "locales", font reconsidérer l'intérêt des lignes et se poser la question de l'adoption des cellules flexibles. Dans les lignes suivantes, je me propose de discuter les mérites des deux systèmes et tenter de déterminer l'organisation la plus adaptée aux défis à venir. ![]() La fabrication de Hi-FiAujourd'hui la fabrication de hi-fi est quasi-exclusivement japonaise. Le marché est déjà bien équipé, la chute régulière des prix ayant diffusé largement les appareils dans les ménages. Le disque CD était la dernière innovation qui a donné un grand dynamisme au marché, mais en l'espace de dix ans, la saturation était atteinte. Des essais de réédition de ce succès avec des médiums (des supports) différents n'ont pas été des succès et cela se comprend facilement; S'il était possible de faire faire aux consommateurs le deuil des disques en vinyle et des enregistrements sur cassettes, en échange d'un média inaltérable et d'une qualité insurpassable, le consommateur rechigne à recommencer l'opération avec un nouveau support. Dans le souci de continuer à se ménager des créneaux porteurs, bien des fabricants ont pris l'habitude d'annoncer, un peu rapidement, l'arrivée de nouveaux supports (et/ou de nouveaux standards), au seul profit de l'hésitation grandissante bien compréhensible et de l'attentisme des consommateurs, ceux-ci attendant une plus grande stabilité de l'offre et une certaine pérennité de leurs investissements. Il est apparu un nouveau type de marché, celui du deuxième voire du troisième équipement; les enfants veulent leur propre hi-fi, et il est de plus en plus fréquent d'en équiper plusieurs chambres (idem pour la multiplication des téléviseurs). Ces équipements-là sont en général moins sophistiqués et surtout moins chers que les appareils "de qualité" qui restent en général au salon. La tendance de l'électronique grand public est de fondre la hi-fi, la vidéo, la micro-informatique dans un magma de plus en plus flou nommé Multimédia. Ceci rend parfois délicate la catégorisation de certains produits, mais avant tout amène plus de technicité dans les unités, comme le traitement de la vidéo à travers un amplificateur hi-fi (Home Cinema), par exemple. De fait, ne pouvant révolutionner l'existant, ce sont par les petites innovations que les
concurrents essaient de se différencier. La conséquence est que la durée de vie d'un
modèle en hi-fi est d'un an en moyenne, souvent moins. Cela n'est pas propre à l'électronique grand public, car cette mutation du client (du marché) touche progressivement tous les secteurs. ![]() Le changement de concurrentsA l'époque de la production de masse, et pour la plupart des secteurs manufacturiers,
les constructeurs japonais ont d'abord axé leurs efforts sur la qualité
de leurs produits. Puis leurs produits ont été plus variés, grâce
notamment aux efforts des fabricants de composants qui fournissaient des pièces
créées sur mesure, ceci même pour des volumes relativement faibles. Les clients, éduqués par ces pratiques les réclament désormais comme un dû qualité, variété et petits prix. (On lira à ce propos la réflexion sur la "très relative notion de la valeur") De nouveaux pays émergeants font leurs les recettes du succès des entreprises japonaises et certaines entreprises occidentales ayant compris la leçon, se reprennent. Impossible dès lors de revenir à "l'âge d'or" où le marché absorbait tout ce qui était produit, avec des acheteurs dociles. La tendance du client vraiment roi est destinée à durer ! Compléments de lecture :![]() Linéarité contre parallélisme
La plupart des lignes occidentales que j'ai pu voir étaient faites de convoyeurs contre lesquels on plaçait perpendiculairement des postes de travail. Je qualifie cette disposition de parallèle ou de postes en épis. Dans ce cas, le convoyeur (la ligne) n'est rien de plus qu'un collecteur, un moyen de transfert. Le principe de linéarité japonaise fait travailler directement sur la ligne,
qui devient à la fois moyen de transfert ET poste de travail. Travail en parallèle ou travail en ligne s'appréhendent totalement différement. Dans le système parallèle, courant en occident, une séquence de montage est classiquement répartie sur 1 à 3 opératrices placées côte à côte, la plus proche du convoyeur y poussant leur produit. ![]() Ces même séquences sont dupliquées sur plusieurs postes, adaptant les ressources à la charge de travail ou la vitesse visée. Le plus souvent des systèmes incitatifs par primes stimulent la productivité individuelle. Avantages :Ce type d'organisation s'apparente, dans une certaine mesure, aux cellules autonomes; Inconvénients :Le flux est complexe car il parcourt un réseau. Sa modélisation fait appel à la loi de Kirschhoff (loi des noeuds). ![]() Dans le système "japonais", une séquence de montage est répartie linéairement sur autant d'opératrices que nécessaire pour atteindre la vitesse désirée ou pour obtenir un équilibrage correct, une qualité maîtrisée, etc. Chaque produit passe donc dans toutes les mains, chacune rajoutant sa séquence d'opérations. Il est facile de voir directement où en est la ligne, un poste à problème se détecte immédiatement, visuellement. Le travail étant collectif, toute l'équipe est assujettie au même rythme, la prime individuelle n'existe pas.
![]() Avantages :Inconvénients :Parce que la structure de la ligne requiert proximité et attention permanente de l'encadrement, il est possible dans cette configuration d'atteindre des performances très élevées. Un mot sur la robotisationAlors que l'on pourrait s'attendre à ce que des produits, d'une complexité et d'une technicité croissante, soient assemblés dans des lignes très robotisées, il n'en est rien. Il y a deux raisons majeures à cela : ![]() Différenciation des produitsLa différenciation des produits amène la diminution des tailles de lots. Les changements de série se font plus fréquents. Or le point faible de la ligne à la japonaise est que tout doit être débarrassé et reconfiguré au changement de série. Le SMED, technique de changement rapide, permet de réduire le temps de blocage de la ligne durant les changements de série, mais il finit par se heurter à des limites. La remise en cause du convoyeur
Bien que le système linéaire ait des avantages, sa remise en cause au profit de cellules autonomes permettrait (avant la preuve par l'expérience et je m'exprime volontairement au conditionnel) de gagner :
![]() JaponLes éléments techniques seront exposés plus loin, pour la partie théorique notons qu'outre la demande du marché pour plus de variété, il y a des raisons conjoncturelles "locales", spécifiquement japonaises, qui incitent les compagnies nippones à se poser la question de la remise en cause des systèmes à convoyeurs :
Récession.Certains pans de l'industrie japonaise sont mis à mal par la récession. Le cours du yen à la hausse rend les sociétés moins compétitives à
l'export. Démographie.Dans cette société vieillissante où les jeunes gens ne sont plus attirés
par les travaux manuels en usine, une pénurie de main d'oeuvre est dors et déjà
prédite. Coûts japonais.Le prix du foncier, de la main d'oeuvre, ont depuis quelques années poussé les sociétés à se délocaliser en dehors de l'archipel. Que ceci soit fait sous couvert de "globalisation" ou de "mondialisation" est un autre débat. Toujours est-il que les usines nouvellement créées en Malaisie, en Chine ou en Indonésie
sont équipées "légèrement", ce qui me fait penser au concept
d'usines jetables. Au Japon même, la réduction des coûts de main d'oeuvre et la réduction des postes indirects (non productifs) sont devenus impératifs. Cependant, ne plus produire du tout au Japon n'est pas réellement envisageable : La production au plus juste, la "lean production" est recherchée. Les installations plus que rentabilisées de l'archipel confinent à la vétusté. Notamment des convoyeurs de plus de trente ans d'âge, dont les coûts de maintenance ne cessent de grimper. Se pose la question : faut-il réinvestir dans du neuf ? Toute nouvelle activité nécessite de la surface supplémentaire, alors que les installations en place en occupent beaucoup, tout en tournant de moins en moins... ![]() L'attrait des cellules.
Pour les compagnies qui ont adopté la nouvelle organisation de type cellules, les gains
annoncés sont toujours spectaculaires ; La cellule autonome, flexible ou quelque soit son nom, semble répondre aux nouveaux impératifs, aux défis des productions du futur : La justification "objective" pour le passage de la ligne à la cellule s'appuie partiellement sur les éléments conjoncturels cités plus haut. Du point de vue technique, les arguments les plus fréquemment avancés sont : Nous verrons plus loin pourquoi et comment, mais ce qui est frappant, c'est la justification à posteriori de ceux qui sont passés aux cellules et que ces mêmes justifications sont reprises comme des références par ceux qui désirent y passer. A propos de l'implantation des machines en cellules, Philip Marris (note 1), fait remarquer que : Si l'on reste dans le cadre d'une analyse comptable traditionnelle, il sera impossible de justifier les
investissements nécessaires pour passer de l'implantation Taylorienne à celle en cellule. Le poids du mimétisme nipponQue certaines méthodes ou concepts puissent se diffuser par "copie", "clonage" est tout à fait normal; les différents acteurs industriels s'approprient fréquemment les techniques éprouvées par d'autres. Par contre, il y a les effets de mode. Si travailler en cellules autonomes est présenté comme un aspect de la modernité, du dynamisme et de progrès par ceux qui les ont adoptées, les autres ne peuvent que suivre sous peine de passer dans l'opinion pour des dinosaures, des attardés de l'industrie. Ceux qui connaissent un peu la culture orientale, n'ignorent pas l'importance de la face, qu'il ne faut jamais perdre ! Donc, effet de mode ou analyse raisonnée ? La réponse se formule au cas par cas. Néanmoins le futur de la plupart des secteurs manufacturiers sera fait de lots plus petits et de produits plus différenciés, l'introduction progressive des cellules est alors une anticipation. Dans la phase transitoire les deux systèmes cohabitent généralement. ![]() Le stade ultime.Si l'on pousse la logique de la flexibilité et de la réactivité à un extrême, on arrive au stade ultime : le montage dans le magasin ! Même si c'est formulé sur le ton de la boutade, c'est une réalité qui pourrait
bien apparaître ! ![]() ![]() ![]()
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