Partie I
Sommaire
Nouvelles exigences et tendances des marchés
Dans le "manager pluriel" je résume l'histoire de
l'industrie et du client et comment de consommateur méprisé, celui-ci est devenu tyran, voire un dieu
omnipotent. Les nouvelles tendances des relations entreprises-clients sont résumées dans ce schéma :
Sous la pression concurrentielle, les entreprises sont contraintes d'offrir à leur clients
de la variété, des produits différenciés, nouveaux, innovants, peu chers et personnalisés.
Le basculement du pouvoir des producteurs aux consommateurs s'est produit lorsque l'offre a dépassé la demande.

(France) |
1950 |
1965 |
1978 |
1990 |
Période, événement |
Après guerre, reconstruction |
Apparition des supermarchés |
L'offre est supérieure à la demande |
Chute du mur de Berlin, mondialisation |
Savoir-faire |
Produire |
Vendre |
Gérer |
Réagir |
Objectif |
Produire |
Augmenter les ventes |
Minimiser les coûts |
S'adapter |
Selon les secteurs d'activité, l'impérieux besoin d'adaptation s'est fait sentir plus ou
moins vite, il est clair que les secteurs les plus concurrentiels étaient exposés les premiers.

La fin de la production de masse
La problématique de l'entreprise est exposée dans les pages "cellules flexibles"
auxquelles je renvoie le lecteur. Cette page se focalise sur les concepts de flexibilité et réactivité.
La problématique que j'ai eu à traiter est celle d'une entreprise dont le mot d'ordre
du siège était d'obtenir des gains de productivité et de flexibilité en
abandonnant la production linéaire — à la chaîne — au profit de structures souples,
les réseaux de cellules.
Lorsque l'on ne connaît que l'organisation "en ligne", obtenir des gains de productivité et de
flexibilité avec des îlots de production n'a rien d'évident au premier abord.
"L'ordre" du siège du groupe au Japon consistait à présenter de
manière dogmatique les avantages supposés des structures cellulaires, sans que l'on puisse de
suite en appréhender les tenants et aboutissants.
Une des premières sources bibliographiques consultée ne réduisait pas la perplexité :
Philip Marris : "Si l'on reste dans le cadre d'une analyse comptable traditionnelle,
il sera impossible de justifier les investissements nécessaires pour passer de l'implantation
Taylorienne à celle en cellule. En effet, les seuls bénéfices reconnus seront quelques
économies du côté de l'effectif de manutentionnaires ainsi qu'une légère
diminution des frais financiers découlant de la réduction des stocks. En somme, si
l'organisation en cellules a fait ses preuves, il n'existe pas de raisonnement détaillé et
rigoureux et on est obligé de l'aborder de manière qualitative. Il est impossible de choisir
entre deux solutions ayant des coûts, des capacités et des performances différents
autrement que par un genre d'acte de foi." [MARR94]
Les cadres français, relais obligés vers le middle management et les
exécutants, ont développé au mieux du scepticisme, au pire leur
résistance au changement.
Au fur et à mesure de mes propres recherches sur le sujet, les potentialités
de ce changement me sont apparues, faisant basculer ma propre résistance au changement instinctive
vers un intérêt raisonné croissant.

Le paradoxe de l'artisan industriel
Artisan et Industriel sont à priori antinomiques, leur juxtaposition
annonce le paradoxe apparent de la mission. Ils masquent un écheveau de problèmes qui
dépasse de loin le simple redéploiement spatial¹ des moyens productifs.
¹Schématiquement, Taylor = chaîne, cellules =
ressources regroupées en "îlots", le plus souvent disposés en U
L'industriel, dans la vision taylorienne, dispose d'un
système productif dans lequel le savoir-faire individuel à été étudié,
standardisé et transformé en savoir-refaire impersonnel.
L'artisan, pièce maîtresse des systèmes préindustriels,
dépositaire d'un véritable art et d'un "pouvoir" face à ses commanditaires, a
été éradiqué dans la production de masse.
Dans certains secteurs d'activité, les nouvelles contraintes du marché
obligent les entreprises à évoluer vers des structures plus adaptables et réactives.
Pour arriver à une bonne réactivité, il faut autoriser plus d'autonomie dans ces petites
structures, et donc en quelque sorte réhabiliter la notion d'artisan.
Or pour des employés, les exécutants comme l'encadrement, qui n'ont connu
que le système taylorien, la perspective d'une plus grande autonomie génère au moins
autant de craintes que d'exaltation ;
- Les personnes en place auront-elles les compétences requises ?
- Quel sera le rôle de l'encadrement ?
- Le mode de rémunération changera-t-il ?
- …

Rupture n'est pas Kaizen
Kaizen est un mot japonais qui désigne signifie
amélioration. La démarche Kaizen repose sur des petites améliorations constantes,
faites jour après jour. C'est une démarche graduelle et douce qui favorise le progrès
dans la continuité. Le Kaizen s'oppose au concept plus occidental de réforme brutale du type
"on jette tout et on recommence avec du neuf" qui est une rupture, une "révolution" et non pas une
évolution.
A priori, le changement de modèle étudié sera une rupture.
Rupture avec une décennie de pratiques tayloriennes et rupture du fait que le
marché ne nous laissera peut-être pas le temps de mener le changement à notre rythme.
Flexibilité, réactivité et agilité
La flexibilité est la capacité à répondre aux diverses demandes clients.
La réactivité est la vitesse de satisfaction aux demandes non anticipées.
L'agilité est la capacité de l'entreprise à se reconfigurer en fonction des évolutions de son environnement, de son marché.
En fonction de son "environnement", une entreprise doit adapter son organisation et sa "réponse" :
|
Demande Prévisible |
Demande difficilement prévisible |
Demande Imprévisible |
Cycle de vie long |
Spécialisation-Optimisation |
Flexibilité |
Réactivité |
Cycle de vie court |
Flexibilité |
Réactivité |
Agilité |
- Dans un environnement simple et peu changeant il n'est guère besoin de construire une organisation
adaptative. Au contraire, les meilleures performances seront atteintes au travers d'une organisation complètement dédiée,
spécialisée et optimisée.
- Dans un environnement stable, à cycles longs, le degré d'adaptabilité est dicté par la capacité à
anticiper les demandes.
- Les entreprises sont de plus en plus confrontées à des changements fréquents, des cycles
courts. L'anticipation des demandes est de plus en plus difficile, aussi faut-il des organisations de plus en plus agiles.
Thèmes connexes
Des thèmes apparentés sont développés dans des pages spécifiques :

Bibliographie
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