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La flexibilité des entreprisesReflexions autour d'une mutation |
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Dernière mise à jour : 23 Décembre 2009
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Partie IVDernière partie de l'étude sur la flexibilité des entreprises. Où l'on arrive à une conclusion. ![]() SommaireDe la ligne aux îlotsLe passage de l'organisation taylorienne à l'organisation en réseau de cellules nécessite une redéfinition des rôles, tant au niveau des exécutants que de l'encadrement. Un management à réinventerUn aperçu des principales différences et des glissements de tâches entre les deux modes d'organisation est donné par le tableau suivant :
Le transfert de certaines tâches de l'encadrement vers les opératrices bouleverse les rôles et conduit à l'enrichissement des tâches de ces dernières. De simple exécutantes relativement passives, elles doivent devenir responsables et proactives. Il sera nécessaire de faire évoluer leurs compétences. Le rôle de l'encadrement se trouve lui aussi profondément modifié, passant d'un leadership "hiérarchique" à un leadership plus "charismatique". Là aussi, il faut épauler ces personnels dans cette transition. Les nouvelles interactions se baseront sur un management qu'il nous reste à inventer. De l'industrie à l'artisanat ?L'autonomie des îlots favorise l'émergence de savoir-faire spécifiques, qui est une caractéristique (positive) de l'artisanat et une plaie pour l'industrie. En effet, l'émulation et l'autonomie fera évoluer chaque îlot indépendamment et il est difficile dans ces conditions d'assurer la cohérence des méthodes entre cellules. Or le changement d'organisation ne nous fait en rien renier la volonté de demeurer des industriels, c'est à dire garantir la fabrication de produits identiques, à qualité constante, etc. Ici réapparaît le paradoxe de l'artisan industriel, l'hypothétique conciliation de deux notions à priori contradictoires. Le mode cellulaire introduit de la complexité en rendant l'organisation moins "lisible". L'avantage de la ligne "japonaise" tient justement dans sa linéarité et la facilité de voir quasi instantanément les performances, les problèmes, etc. Avec des îlots, la situation globale ne peut s'apprécier qu'après avoir fait un point îlot par îlot. A l'intérieur même d'un îlot, d'une cellule, la compréhension de la situation suppose un "décodage" préalable. Pour l'encadrement en particulier, une bonne capacité de synthèse et d'analyse sera nécessaire, ainsi qu'une "culture du travail en réseau", qui permettent la gestion des ressources dispersées dans l'espace et éventuellement décalées dans le temps, loin des habitudes linéaires. ![]() Révolution culturelleOn mesure aux différents exemples cités l'étendue du "chantier" et la "révolution culturelle" qu'ils sous-tendent. Cette transition est tout à la fois facteur-clé de succès et point d'achoppement potentiel. Elle touche tous les niveaux, du sommet à la base. Greffe culturelle ?Parce que le travail en collaboration, en réseau, et l'effacement de l'individu au profit du groupe est une caractéristique "confucéenne", la transition des lignes vers les cellules ne pose pas de problèmes particuliers au Japon. Or nos habitudes culturelles françaises ne nous poussent pas naturellement au consensus à la façon des asiatiques. Les éventuelles difficultés de mise en place risquent de conduire à des incompréhensions trans-culturelles, que la médiation des cadres français devra éviter. Résistance au changementIl est a prévoir des réactions de résistance au changement, dans toutes les catégories d'employés. La contre-mesure est faite d'une bonne préparation, puis de bonne communication, d'information et d'accompagnement. Un projet de cette ampleur se doit d'être mené comme un projet d'entreprise, et la direction doit marquer sa volonté et son engagement au travers d'une communication et une politique adaptée. Les responsables relaient la direction auprès de leurs subordonnés en leur donnant les informations détaillées et en les épaulant dans l'action. L'encadrement intermédiaire fait de même, et ainsi en cascade, les différents personnels seront impliqués. ![]() Les excès d'ardeurA l'opposé de la résistance au changement on peut trouver l'excès d'ardeur. Une montée en puissance incontrôlée de l'autonomie risque de provoquer abus et dérapages. La réaction de la hiérarchie restante peut alors être perçue comme une censure et décourager tout nouvel effort ou initiative. Le risque de la déceptionPeu d'auteurs parmi mes références poussent leur réflexion au-delà de la phase de mise en place des structures flexibles, avec l'exception notable de Meryem Le Saget. En analysant les raisons de la "montée de l'irrationnel" dans les organisations, elle aborde un chapitre "désillusions" (p 214) et souligne l'importance du temps dans les projets de management participatif. Le temps nécessaire à la maturation des individus et l'obtention des résultats escomptés est souvent sous-estimé, tout comme l'effort d'accompagnement de la direction, de l'encadrement. La déception peut alors gagner ces derniers devant le manque de résultats, de l'autonomie non assumée, du flou favorisé par un système moins strictement cloisonné. L'essoufflement et la déception menacent aussi les personnels de base, qui ne voient pas de changements significatifs ou au contraire perdent leurs repères et en viennent à regrettent le "confort de la hiérarchie". Maîtriser le changementLa maîtrise du changement implique une bonne préparation et un suivi attentif du projet. Il faut savoir impulser le mouvement et vaincre les résistances au changement, tout en contrôlant finement sa vitesse pour éviter les excès d'ardeur et le découragement. La gestion de l'effort dans le temps est cruciale, le manque d'endurance risquant de tuer le projet. ![]() ConclusionLa richesse de la littérature sur la flexibilité des entreprises démontre à quel point le problème est pris au sérieux, intéresse de nombreuses disciplines mais témoigne également de la complexité du sujet. Le risque est grand d'explorer trop de chemins de traverse, et là encore le rôle de filtre et de guide du plan de mémoire est d'une aide précieuse. J'aurai pu en rester à une déclaration axiomatique telle que :
Mais dans ce cas, elle n'aurait pas eu de vertu pédagogique, nous ne pourrions suivre le conseil avisé de Pierre Avril : "Les erreurs sont souvent commises au tout début. Pour ne pas les répéter, voici trois règles de base : communiquer, expliquer, justifier." Malgré la richesse de la littérature et les nombreuses expériences déjà menées, il n'émerge aucun modèle "générique" auquel se rattacher. Si l'on retient le début des années 1980 comme période où le besoin de flexibilité s'est fait impérieux, on ne peut pas invoquer la jeunesse du problème comme cause de l'absence d'un modèle de management et d'organisation général. Le chapitre "Quelle(s) flexibilité(s) ?" montre que problème lui-même, qualifié de "protéiforme", est aussi difficile à cerner que ses éventuelles solutions. Cela est d'autant plus frappant après tous les efforts déployés sur deux décennies, avec le concours d'experts d'horizons et domaines très variés. Il semblerait que chaque entreprise ait un problème de flexibilité propre et tente de le résoudre au mieux, sans que la solution soit ni tout à fait satisfaisante pour elle-même ni suffisamment générale pour intéresser les autres. ![]() © Christian HOHMANN ![]() ![]() AnnexeL'Entreprise AgileDéfinition de l'agilité, tirée de l'ouvrage d'Olivier BADOT, "Théorie de l'entreprise agile" [BADO98] "Un nouveau " paradigme en management " est en train d'émerger, en occident - celui d'agilité - selon lequel, dans l'environnement actuel, les entreprises tendent à produire et commercialiser leurs produits dans un " nouveau cadre stratégique " caractérisé par quatre grands principes : 1. L'entreprise agile tend vers la vente, à chaque client, de "solutions totales" mélangeant biens, services et informations, à haut niveau de différenciation et au prix de série et ce, Compte tenu du degré d'exigence et d'individualisme croissant du consommateur occidental depuis ces vingt dernières années. 2. L'entreprise agile est composée d'équipes à caractère tant interne qu'externe (c'est-à-dire également composées de membres émanant d'autres entreprises, y compris de concurrents directs), polyfonctionnelles, à haut degré de responsabilité (empowerment) et participant sous l'égide de la direction générale - au processus d'adaptation organisationnelle; 3. Des "structures de back-office" aident - en leur octroyant des ressources, en les accompagnant psychologiquement, conceptuellement et juridiquement, et en mettant à leur disposition des systèmes de partage et de capitalisation de l'information et des structures décentralisant la prise de décision - lesdites équipes, à maîtriser les processus de changement organisationnel et la "turbulence environnementale " ; 4. Les hommes et les femmes de l'entreprise agile sont - par leur connaissance intime des clients et de l'environnement, par leurs savoir-faire en permanence affûtés, par leur imagination et par les initiatives qu'ils sont autorisés à prendre pour satisfaire de façon originale le client - la principale source de différenciation et de performance commerciale de l'entreprise. Pour Huber et Glick, de telles positions s'inscrivent dans un courant de pensée selon lequel, pour survivre, une organisation doit "être compatible avec son environnement" et, quand l'environnement change pour un état devenu incompatible avec la nature antérieure de l'organisation, cette dernière a comme options stratégiques : de s'adapter au nouvel environnement, de se déplacer vers un environnement plus approprié à sa nature ou d'essayer d'agir sur l'environnement." La conclusion, tirée du même ouvrage : "Il est possible de dégager une doctrine commune à beaucoup de ces réflexions, celle selon laquelle la culture, l'organisation économique et la structure sociale sont affectées par trois tendances : 1. à la consommation de masse uniforme se substituent des " styles de vie " où tous les biens et services sont touchés par un processus de "stylisation" rendant la distinction entre culture artistique et culture populaire caduque et rendant " le paysage des consommations " beaucoup plus compliqué à analyser car se transformant de façon spontanée, par " fragmentation et bricolage " 2. à la grande industrie se substituent des "formes flexibles d'organisation industrielle et du travail", la demande orientant la fabrication vers des biens en nombre relativement faible par série avec un nombre de séries ne cessant de croître 3. à une stratification sociale hiérarchisée en un petit nombre de classes distinctes, se substitue une structure plus floue : la "nébuleuse des classes moyennes ", la hiérarchie sociale se déformant en ces deux extrémités : d'un coté, les ouvriers répartis entre une "underclass " disparate (immigrés, personnes isolées) et la classe moyenne et, de l'autre, la classe supérieure qui se distingue de moins en moins bien de la classe moyenne du fait, notamment, de flux de mobilité de plus en plus importants et donc de positions socio-économiques de plus en plus instables." ![]() ![]() Bibliographie![]()
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