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De la ligne à la cellule flexibleReflexions autour d'une mutationDernière mise à jour : 7 Août 2008 |
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La définition de la notion de cellule est délicate, car la cellule n’a pas de forme spécifique, pas de caractéristiques intangibles.
Ainsi certaines unités de production étaient déjà organisées en cellule sans même en avoir conscience.
Deux exemples :
La redisposition des ressources en fonction des besoins de la gamme de fabrication du produit
améliora rapidement la situation, créant ainsi des cellules dédiées aux
produits.
Ainsi passe-t-on du concept de process-oriented production au concept de product-oriented production.
Lorsque les stratèges du marketing pressentirent la mutation du marché et les nouvelles aspirations des clients, les experts de l’ingénierie de production furent invités à réfléchir sur les moyens à mettre en oeuvre pour répondre à ces défis.
La recherche de la plus grande efficacité avait conduit à segmenter les tâches de plus en plus finement, laissant aux exécutants des opérations simples et de courte durée, que la répétition allait rendre très efficaces. Or si la segmentation accélère le flux, elle nécessite également plus de postes et par conséquent rallonge les lignes.
L’équilibrage de ces lignes devient dès lors de plus en plus délicat, car il y a moins d’opérations que l’on puisse glisser d’un poste à un autre. Les différences de performances entre exécutants sont plus difficilement compensables, et très rapidement le rythme de la ligne se trouve limité au rythme de l’exécutant le plus "lent".
Par ailleurs, plus la vitesse est élevée, c’est à dire plus les temps de cycle sont brefs, et plus l’influence du moindre aléa perturbateur prend une proportion importante.
En cherchant à améliorer la productivité dans ces conditions, force a été de constater que la multiplication des postes de travail multiplie les pertes.
On constate que les lignes se sont parfois allongée de manière démesurée, atteignant des longueurs incroyables (pas toujours d’un seul tenant, bien sûr). La logistique d’approvisionnement et le contrôle en sont étirés d’autant, nécessitant davantage de personnel indirect.
Pire, considérant comme normal d’avoir à chaque poste un ensemble en cours de d’assemblage plus un en attente, on a pour une ligne de 50 postes, 100 unités dans le système en permanence, la moitié étant un en-cours, donc un stock.
Même si chaque unité individuellement ne reste pas statique, toute unité se décalant le long de la ligne "tire" à sa suite l'unité suivante, de sorte que pour chaque unité quittant le système, il y a une unité qui y rentre. Au total, les en-cours (work in progress) représentent un stock permanent, mais peu visible.
En reprenant l’exemple précédent, si la ligne peut traiter 500 unités/jour et que 50 unités forment un encours permanent, nous avons 10% de stock masqué.
Si ce stock n’est pas exposé aux "risques" des stocks classiques, il peut néanmoins représenter une immobilisation de trésorerie conséquente ; il suffit que les unités en question soient coûteuses (photocopieurs, téléviseurs, ordinateurs…)
Par ailleurs, cet encombrement nuit à la bonne gestion de la ligne ; gêne la visibilité, il faut en faire l’inventaire quotidien, etc…
En se focalisant sur les mouvements inutiles, qui sont une source de gains potentiels, on constate que la multiplication des postes de travail a multiplié les gestes élémentaires et nécessaires de prise de pièces sur le convoyeur et la redépose à la fin du cycle, pour que l’ensemble puisse être transféré au poste suivant.
Proportionnellement au temps de cycle, fortement réduit, les temps de préhension, d’amenée, de repose sont importants. Il n’est pas exagéré de les évaluer dans certains cas à 20% du cycle total.
De plus, bien des secteurs d’activité ont adopté les systèmes de convoyage, alors que leurs produits n’étaient ni lourds, ni encombrants et auraient pu être transférés manuellement d’un poste à un autre.
La conclusion logique est de réduire à nouveau le nombre de postes et de transférer les pièces et produits manuellement, conduisant à rejeter les solutions à convoyeurs au profit de tables juxtaposées.
Ainsi s’obtiennent :
C'est vers 1995 que les cellules flexibles sont devenus un thème de conversation
régulier dans notre entreprise.
A cette époque, le Japon entrait en crise; les grandes entreprises se délocalisaient
hors de l'archipel, les pionnières - probablement en recherche de
maîtrise des coûts et de leurs capitaux - abandonnaient leurs lignes à convoyeurs au profit des cellules.
Le lean manufacturing touchait progressivement de nouveaux secteurs.
L'évocation de notre éventuel passage aux cellules me parraissait alors assez
incongru, car nous avions (encore) de grandes séries de produits assez similaires à produire.
Je collectionnais néanmoins littérature et articles sur le sujet - notant une fois de plus la pauvreté du Web en ressources francophones -, et ai pu visiter l'une ou l'autre entreprise
ayant adopté l'organisation en unités flexibles. Le concept de cellules flexibles était encore généralement
associé au monde de la machine-outil ou de la robotique, son extension à la main d'oeuvre n'est apparu que progressivement.
A la fin 98, deux "prédicateurs" de notre siège vinrent nous vanter les avantages du Cell System et nous inviter à y réfléchir. J'allais découvrir bientôt que cette invitation était bien plus qu'une simple incitation, car moins de six mois plus tard, l'introduction du Cell System était décidé d'autorité. J'ai eu mon passage de résistance au changement, essentiellement dû au manque d'information et de vision stratégique, en plus de l'irritation face au dogmatisme nippon.
Au début 1999, mes visites d'entreprises japonaises ayant adopté le Cell System m'en font mieux apprécier les gains potentiels.
L'ajout d'une nouvelle activité, de service après-vente en mai 1999, qui par essence est peu prévisible et demande une forte réactivité me fera adopter le concept de cellules flexibles pour le nouvel atelier. La fabrication bénéficie quant à elle d'un sursis. Après avoir goûté ce nouveau type d'organisation par ce biais, la transition de la fabrication elle-même devrait être facilitée.
Je vous invite à lire la page relative à la réparation de graveurs de CD, une bonne illustration des concepts de cellules et de la théorie des contraintes.
Sage parole qu'émit un jour un de mes mentors japonais pour calmer mon impatience occidentale. L'idée de cellules flexibles, gouttant régulièrement sur la rigidité de nos routines, finira par y faire son trou. Ma résistance est déjà bien entamée par l'expérience du service après vente.
Voici les fruits de mes réflexions les plus récentes :
Le concept de travail en ligne repose sur un encadrement fort. Le chef de ligne étant l'élément clef du dispositif, on peut dire que le succès d'une ligne dépend de la compétence de son chef. Or on constate qu'il est plus facile de recruter et de former de bons exécutants que de trouver un futur bon chef. Alors pourquoi s'entêter à chercher la perle rare, alors qu'en repensant la notion de responsabilité, on pourrait mieux utiliser les talents nombreux.
Cette différence se retrouve dans l'opposition du partage de l'effort mode occidental vs mode oriental.
Une image souvent employée pour illustrer la différence culturelle par rapport au management entre Japon et Occident est la différence existant entre le TGV (Train à Grande Vitesse) français et le Shinkansen japonais. Une rame TGV est tractée par une motrice dotée d'un moteur puissant. Le Shinkansen est tracté par l'ensemble des moteurs équipant chaque wagon de la rame.
Ainsi en est-il du management ; en occident on s'attend à suivre un chef fort, compétent et fédérateur, un champion, au sens moyenâgeux du terme, alors qu'au japon, le travail est réparti sur un nombre relativement important de collaborateurs, l'efficacité globale étant la résultante des compétences individuelles, même modestes.
Quand on sait le trouble que peut entraîner le manque ou la disparition d'une compétence-clef au sein d'une organisation fortement hiérarchisée, la répartition des tâches est gage de pérennité.
Autre illustration : la solidité et l'efficacité des réseaux décentralisés comparés aux structures monolithiques et centralisées.
Les systèmes linéaires s'obstinent à "fabriquer des robots" à partir des exécutants qui y sont affectés. Ces exécutants sont graduellement amenés à accroître leurs performances par une grande répétition des gestes et la segmentation extrême de leurs tâches. Cela fonctionne, mais prend du temps, beaucoup de temps. Et le résultat n'est hélas jamais durable.
Les cycles courts et la répétition amènent plus ou moins rapidement le désintérêt, au pire des pathologies liées à ces conditions de travail.
On peut donc s'obstiner à former des robots en changeants régulièrement les éléments défaillants ou chercher une forme d'organisation du travail plus en accord avec la nature humaine et néanmoins propre à atteindre les objectifs.
La politique de "révolution industrielle" de cet équipementier français est tirée du magazine l'USINE NOUVELLE, nº2330 du 12 septembre 1991. Les noms propres ont été modifiés.
Les stocks, voilà bien l'ennemi. Ils représentaient 14 % du chiffre d'affaires il y a cinq ans. Aujourd'hui, ils tournent autour de 5%, dans les meilleures usines du groupe. A Gornon, il se passera à peine dix jours en 1992 entre l'arrivée de la matière première dans l'usine et la sortie du produit fini (trente jours à Amand en 1989). Pour réduire un tel flux des deux tiers, Gornon sera organisée en îlots autonomes de production de dix à quinze personnes en lieu et place de l'organisation tayloriste d'Amand. Même réorganisation à Meu; chaque îlot sera une petite PME, qui appellera directement les pièces chez les fournisseurs.
Un plan de formation du personnel est en cours d'élaboration. Un opérateur devra être à même de travailler à une cinquantaine d'opérations différentes A Gornon, on ne reprendra que le personnel d'Amand susceptible de s'adapter à la polyvalence des tâches, Parallèlement, et pour une meilleure efficacité, les niveaux hiérarchiques seront réduits. Dans l'ancienne usine, le personnel non directement lié à la production (régleurs, magasiniers, caristes) était divisé en dix catégories statutaires. Il n'y en aura plus qu'une seule dans l'unité galloise.
Les lignes seront également réorganisées pour devenir flexibles. Les trente-quatre lignes de Beau ne seront plus qu'une dizaine à Meu. Mais chaque ligne pourra monter jusqu'à six familles de produits. Des robots de conception simple et à la maintenance économique compléteront les aménagements industriels..
A Gornon, grâce à un outil flexible, on pourra changer les moules de 8 à 9 tonnes en une heure au lieu de quatre aujourd'hui. Par ailleurs, grâce à un nouveau système de GPAO (gestion de production assistée par ordinateur), les programmes de commandes aux fournisseurs seront lancés toutes les semaines et non plus tous les mois. Les livraisons deviendront donc hebdomadaires, ce qui contribuera fortement à la chute des stocks.
Objectif: rapprocher le plus possible le temps d'écoulement de la matière dans l'usine du temps opératoire (durée de la fabrication effective d'une pièce). A Amand, la matière première stationne vingt jours dans les ateliers, alors qu'à peine vingt minutes suffisent pour monter une pièce !
Cette illustration du passage aux cellules est tirée du magazine l'USINE NOUVELLE, nº2528 du 14 décembre 1995. Les noms propres ont été modifiés.
Installer un atelier de fabrication de boucliers (pare-chocs) dans un magasin de produits semi-finis: c'est ce que fait Ambert Industrie à Zébu. A priori rien que de très banal. Sauf que le magasin n'a pas été réinstallé dans une autre zone de l'usine. Il a disparu. Résultat : 3300 mètres carrés gagnés pour la fabrication, grâce à la réorganisation du site en " zones autonomes de production ".
L'ancien cloisonnement de l'usine par technologies (injection, finition, peinture) est abandonné au profit d'un découpage par produits. D'ici à 1997, Zébu comptera vingt-cinq zones autonomes de production, qui fabriqueront des produits de A à Z. Eléments de boucliers, planches de bord, panneaux de portes, jusqu'aux pièces complètes... Chaque groupe - onze personnes au maximum, des opérateurs et un animateur - pilote entièrement son activité ! La Fabrication, la logistique, la qualité et, à terme, la maintenance de premier niveau.
Au sein de sa zone, chaque équipe trouve exactement ce dont elle a besoin pour la production. Ainsi les moules ont leur place sur la zone, ce qui limite les allées et venues. Chacune des quarante-deux presses est progressivement affectée à un ou plusieurs produits. Elle se sert toujours des mêmes moules.
Régulièrement, l'équipe échange des suggestions d'amélioration, parle de qualité, de productivité... Des panneaux d'information permettent un suivi des résultats de chaque zone. Ainsi, de 7 % de taux de rebuts en peinture sur des visières composants de planches de Vaxuna en janvier 1994, l'usine est passée à 0,04 % aujourd'hui. Même chose dans la zone injection voisine, où le taux de non-qualité a chuté de moitié. Des éléments qui pèsent de plus en plus pour décrocher de nouveaux marchés.
Revers de la médaille, les effectifs ont baissé. De quelque 700 personnes au début de la réimplantation des ateliers, Zébu est passé à 570 salariés. S'il a fallu embaucher des ingénieurs et des techniciens, de nombreuses fonctions disparaissent et les opérateurs sont moins nombreux. Les opérateurs de production se faisant aussi caristes, manutentionnaires, et pratiquant l'autocontrôle. Indispensable pour rester dans la course à l'heure de la guerre des prix.