Process et opérations
Le Toyota Production System (TPS) distingue
Process et opérations;
- Processus (Process): suite de transformations de matière en produit faisant
intervenir le temps et l'espace, c'est le flux matière.
- Opérations : étapes dans le processus faisant appel aux hommes et/ou machines,
c'est le "flux travail".
Rappelons que seule la transformation (et une partie du
contrôle) génère de la Valeur Ajoutée, le reste n'étant que des
pertes, souvent considérées comme des "maux nécessaires".
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Accepter l'idée de "mal nécessaire" est une capitulation qui bloque tout
progrès. Oser remettre en question ce que la routine, les traditions ont pérennisé est
souvent source de gains importants et souvent "gratuits".
Voir Kaizen |
Les pertes étant des bénéfices potentiels, l'amélioration du
processus vise non pas l'amélioration des opérations sans valeur ajoutée, mais leur
anéantissement !
Cette remarque, frappée du bon sens, ainsi que la distinction entre les
différentes opérations dans un process sont fondamentales pour la compréhension du TPS
et la conduite de l'amélioration.
Pour cette raison il est important de distinguer l'analyse du processus de l'analyse des opérations.
Sept types de gaspillage
[OHN90] "Pour parvenir à l'élimination complète des gaspillages,
il est important de garder à l'esprit les deux remarques suivantes :
- Accroître l'efficacité n'a de sens que si cela permet une réduction des
coûts. La direction à suivre est de ne fabriquer que les produits dont on a besoin avec le
minimum de main-d'oeuvre.
- Il faut rechercher l'efficacité de chacun des opérateurs, sur chacune des lignes de
production, ensuite celle des opérateurs en tant que groupe et, enfin, celle de l'ensemble des lignes,
c'est-à-dire de la totalité de l'usine. Il faut viser l'efficacité des parties mais
aussi celle du tout."
Voir aussi Muri Mura Muda
1. Gaspillages provenant de la surproduction
Dans le Japon de 1945, toute matière ou ressource (si précieuse) mal
affectée (à une production non vendue), risquait de conduire à un stockage, c'est
à dire à un revenu différé et amoindri. Mortel !
Le schéma se reproduisit à une moindre échelle en 1973 lors du choc
pétrolier et les décennies suivantes. Sans oublier les systèmes de quotas, imposés
dans certains pays européens, qui limitèrent la capacité du marché pour les
constructeurs japonais.
Maximiser les ventes c'était vendre ce que les différents clients voulaient
effectivement, laisser tirer les ventes par le marché. La généralisation de cette idée
au système de production aboutira au système Kanban.
Après que les pénuries de l'après-guerre s'étaient
résorbées, proposer un éventail de modèles important et ne produire que ce qui
commandé reste un argument de vente. Tout un système de recueil d'informations auprès
de sa clientèle permet à la marque d'ajuster sa production "au plus juste".
Voir [WOM92] et [OHN92]
La conservation de ce principe est aussi un moyen de conserver des marges de progrès
dans des marchés en contraction, car il est facile d'améliorer la productivité en
augmentant les quantités produites, mais il est difficile de le faire dans un contexte de diminution
des volumes de production.
Eliminer les surproductions, c'est porter une grande attention à la planification
mais aussi accepter de ne pas chercher le plein emploi des ressources. Cette notion est très
importante et je vous invite à lire à ce sujet la théorie des contraintes.

2. Gaspillages provenant des temps d'attente
Une ressource inoccupée n'est pas forcément un gaspillage, car il convient
de distinguer le plein emploi de l'activation d'une ressource. (Cf Théorie des contraintes)
Les pièces en attente sont assimilables à des stocks (voir plus loin).
Le manque d'occupation ponctuel de la main d'oeuvre, provenant d'un manque
d'équilibrage ou des aléas affectant le flux de production est minimisé par la
proximité des postes, les opérateurs étant autorisés à se porter
mutuellement assistance.
Les attentes intolérables sont les arrêts dus à des défaillances
d'équipements ou aux changements de séries.
Les premières sont combattues à
l'aide de la Maintenance Productive Totale (TPM), à l'automaintenance…
Les secondes sont progressivement éliminées à l'aide de
méthodes de changement rapide d'outils, le SMED.

3. Gaspillages occasionnés par les transports
Le transport d'une pièce d'une machine à l'autre ne lui confère
aucune valeur ajoutée. Disposer les différentes machines en flow-shop, c'est à
dire selon la logique des opérations à effectuer sur la pièce, plutôt qu'en
job-shop c'est à dire en ateliers spécialisés, est un bon moyen de
réduire la logistique interne.
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Dans le flow-shop on dispose toutes les ressources nécessaires à
l'accomplissement des diverses opérations de manière à ce que le flux de production
s'écoule sans turbulences. Par exemple un tour, une perceuse, un poste de finition…
Le job-shop ou atelier spécialisé regroupe des ressources d'un même
type; atelier de tournage, unité de perçage, atelier fraisage, etc.
Effectuer les différentes opérations sur une même pièce oblige
à d'incessants transports et attentes entre les ateliers. |
Il est généralement admis par tous les industriels que la disposition des
ressources en ateliers spécialisés conduit à un véritable cauchemar logistique;
les pièces parcourant des circuits en "plats de spaghettis" et restant une bonne partie du temps
à attendre dans les interstocks.
Placer les différentes ressources très près les unes des autres
réduit les besoins de transport, et interdit physiquement de gros interstocks.
Le transport étant identifié comme un gaspillage à éliminer,
les moyens de transitique sophistiqués sont un double non-sens ;
Non seulement ils ne suppriment pas le transport, mais le rende plus "efficace" !
Or quel intérêt à investir dans une technologie complexe
améliorant le gaspillage ?
Seulement après avoir vérifié que le transport ne peut être
éliminé, ni réduit davantage, on pourra chercher à l'améliorer.
Ce genre de nuance vaut pour les liaisons automatisées entre
machines; Si l'on peut éliminer la main d'œuvre par l'automatisation il est
préférable de le faire, car cet équipement finira par ne plus "rien coûter",
alors que l'humain nécessite un investissement perpétuel.
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Le transport de pièces dans l'industrie électronique
Si l'on excepte les process très automatisés, la tendance observée
dans l'industrie électronique japonaise est tout à fait significative ;
Les opérations manuelles ont hérité de l'époque de la
fabrication des machines bureautiques et téléviseurs lourds et encombrants, des
lignes-transfert sophistiquées. La généralisation des ces lignes se fit même pour
des pièces peu encombrantes et légères.
L'extrême segmentation des tâches issue de la production de masse,
réduisit le temps de cycle par poste à un niveau tel que la préhension et repose des
pièces sur la ligne deviennent non négligeables par rapport à l'opération elle-même.
Avec la fin des productions de masse, au profit de plus grandes variétés
de produits, la recherche de la flexibilité impose une refonte du système de production.
Préhension et repose sont de pures pertes, un gaspillage à éliminer.
Progressivement les lignes-transfert sont abandonnées, des établis bon
marché sont placés en "cellules", côte à côte, et les transferts se font
de main à la main, entre opératrices.
Les gains de place, d'efficacité sont souvent spectaculaires, les frais de
maintenance des lignes sophistiquées éliminés.
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4. Gaspillages dus aux stocks inutiles
La définition des stocks doit être comprise au sens large; des pièces
en attentes sont un stock, des pièces en cours d'acheminement sont un stock, en mouvement
peut-être, mais stock quand même.
La distinction entre lot de transfert et lot de production conduit au principe même
du flux tendu.
Elle constitue certainement le meilleur révélateur et moyen d'anéantissement des stocks masqués.
La limitation de l'espace disponible empêche le stockage. La disposition des
différentes ressources en flow-shop permet de réduire considérablement les besoins en
transport et n'autorise pas ou peu de stockage. Idéalement, on essaie de placer les ressources en
prise directe les unes avec les autres et on cherche à travailler avec des lots de transfert de taille 1.
Les stockeurs automatiques présentent les mêmes caractéristiques que
les moyens transitiques ; ils améliorent (?) l'opération de stockage elle-même, mais ne
la suppriment pas.
L'objectif est l'anéantissement des gaspillages dus aux stocks inutiles,
ce qui suppose l'existence de stocks "utiles". Ceux-ci existent bel et bien et sont même vitaux,
chercher le zéro stocks est une absurdité.
Voir notion de Buffer
TOC

5. Gaspillages dans les processus de fabrication
Il est difficilement croyable que dans des processus de fabrication, il puisse exister
des usinages inutiles, des opérations superflues. Pourtant, la routine, la "tradition" du
métier laisse des opérations dans les gammes que les évolutions technologiques ou le
produit lui-même ne requiert pas ou plus.
Une analyse critique de chaque opération peut débusquer ce genre de gaspillage.
Le service méthodes s'attachera à l'analyse du processus, le
développement de l'analyse produit. La technique d'analyse de la valeur peut être d'une bonne aide.
6. Mouvements inutiles
La notion de mouvements inutiles est bien connue de tous les méthodistes.
Les mouvements inutiles les plus évidents sont en général éliminés
facilement. Plus difficiles à traquer sont les (mauvaises) habitudes que les exécutants
développent spontanément. Celles-ci peuvent très bien échapper à
l'observation, soit parce que ces gestes cessent à l'arrivée d'un observateur, soit parce que
ce dernier se laisse abuser par l'aisance des exécutants. Je suis moi-même toujours surpris de
l'efficacité avec laquelle les opératrices arrivent à exécuter des gestes
compliqués et peu naturels.
Dans les mouvements inutiles, il faut inclure les allées et venues inutiles.
Ergonomie des postes, aménagement des ateliers, approvisionnements… autant de pistes à explorer.

7. Gaspillages dus aux pièces défectueuses
L'abondante littérature relative à la gestion de la qualité et la
diffusion de l'esprit qualité dans les entreprises ont sensibilisé aux coûts de la non-qualité.
Ce coût dépasse celui de la pièce en défaut, de son retraitement
ou remplacement, car avec des flux tendus, l'incidence de la non-qualité se propage en aval ; retards,
manquants, perte d'opportunité, etc.
CAPACITE = TRAVAIL + GASPILLAGE
Dans le TPS, l'important est de supprimer la cause de non-qualité, et pas de traiter les symptômes.

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L'auteur, Christian HOHMANN, est directeur
au sein d'un cabinet conseil.
Après 12 ans de pratique opérationnelle des méthodes
japonaises auprès de YAMAHA, il mit son expérience au service de ses clients
en interventions de conseil et accompagnement sur des
problématiques de performance opérationnelle.
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Le "système TOYOTA" est souvent assimilé à la seule méthode kanban.
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poka-yoke
Le Poka-Yoké est un détrompeur, un système
anti-erreur.
Pour en savoir plus :
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Tout
processus peut se décrire à l'aide de 4 actions de base :
- Transformation (usinage, assemblage)
- Contrôle Qualité Contrôle Quantité
- Stockage, attente, en-cours
- Transport, manutention
Cette analyse est le plus souvent menée par le service Méthodes à l'aide d'une fiche d'analyse spécifique.
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MURI MURA MUDA
Ces trois mots expriment trois nuances, trois formes de gaspillage et
guident une bonne part des méthodes japonaises. On les appelle parfois les 3M.
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